BMET 27F48 - Génocides : perspectives juridiques et historiques

Ce cours vise à étudier le génocide en croisant les perspectives juridiques et historiques. Il s'agit de rendre compte des trois aspects principaux de ce concept : le génocide désigne aussi bien un crime qu'un événement historique et un ensemble de pratiques sociales. Loin d'être parfaitement délimités, ces trois aspects interagissent et s'influencent. Partant de différents contextes juridiques dans lesquels la qualification de génocide est mobilisée, ce séminaire cherche à mettre à jour leurs composantes historiques. Surtout, à l'heure où ce concept est constamment mobilisé, et ce par de nombreux acteurs, il est impératif que la notion soit correctement définie, historicisée et comprise. C'est l'objectif de ce séminaire.

Les premières séances de ce séminaire se concentreront sur l'importance de la Shoah dans la création, en droit, du crime de génocide. Il s'agit de délimiter ce moment d'après-guerre durant lequel divers acteurs diplomatiques, politiques et juridiques ont estimé nécessaire de combler un manque apparent du droit pour saisir et qualifier l'horreur de la destruction des Juifs d'Europe. Ainsi, le concept juridique de génocide est le fruit de contingences historiques : ce travail d'historicisation du droit et de ses catégories constitue un premier fil rouge de ce séminaire. L'étude de cas est l'approche privilégiée dans ce cours. Ainsi, la majorité des séances sera dédiée, successivement, à l'étude de trois juridictions – la Cour Internationale de Justice, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda et la Cour d'assises de Paris – et à la manière dont celles-ci mobilisent le concept de génocide. Le travail de qualification mené par ces juridictions repose aussi bien sur des considérations juridiques techniques que sur la confrontation de différentes compréhensions du passé. Le séminaire propose de se pencher sur les interactions entre ces aspects techniques et narratifs au sein des raisonnements juridiques, et ce pour différents contextes historiques. En bref, il s'agira de reconnaître le rôle de mise en récit historique assumé par le concept de génocide, d'une part, et les juridictions qui le mobilisent, d'autre part.

Les dernières séances sont consacrées à une analyse plus fine du langage génocidaire, et aux outils juridiques pour s'en saisir. En proposant d'étudier les principales rhétoriques génocidaires ou négationnistes tenues en procès, le séminaire propose de sensibiliser les étudiant(e)s aux procédés destinés à prolonger la souffrance des survivants et à poursuivre le travail de destruction.

Pour chaque juridiction et chaque contexte criminel, ce cours s'attachera à relever la pluralité d'acteurs et de discours mobilisés. Mêlant perspective diachronique et thématique, le cours envisage conjointement les outils juridiques utilisés pour décrire, qualifier le réel et les logiques actorielles (des victimes, des tueurs, des institutions, des juges,…) saisissant ces mêmes outils pour mettre en récits un passé traumatique. En d'autres termes, ce séminaire propose de dépasser la simple portée juridique du concept de génocide. Sans tourner le dos aux aspects techniques et juridiques, ce cours encourage les étudiant(e)s à croiser les perspectives, croiser les définitions afin de mieux identifier les discours tenus par les acteurs impliqués. L'approche casuistique permettra de ne pas perdre de vue l'horreur des crimes de masse considérés ; la mise en perspective conceptuelle plaide en faveur d'une meilleure compréhension des souffrances humaines provoquées par des entreprises d'extermination.

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES

1- Approfondir les connaissances historiques et historiographiques, particulièrement en histoire contemporaine. Ce cours est l'occasion de mobiliser des connaissances et des réflexes méthodologiques en cours d'acquisition dans le cadre des enseignements portant sur l'histoire des XIXème et XXème siècles. Il donne également la possibilité pour les étudiant(e)s de se familiariser avec les contextes historiques des génocides, et plus particulièrement le génocide des Tutsi au Rwanda. Ce contexte, qui reste assez mal connu en France, constitue une opportunité de décentrer le regard des étudiant(e)s du cadre occidental.

2- Apporter de solides bases de droit international. L'électif sera l'occasion de discuter du processus de négociations conduisant à une convention internationale, de sa mobilisation devant et par les Tribunaux internationaux, par la Cour internationale de Justice, le droit international étant ici approché par ses pratiques. Le séminaire mobilisera largement des extraits de jugements et autres documents juridiques, afin de familiariser les étudiant(e)s à la lecture d'une littérature cadrée et technique, mais d'une impressionnante richesse discursive. Nous commenterons certains jugements, que nous approcherons comme des études de cas, afin de les comprendre dans leurs contextes et leurs environnements normatifs propres. De manière générale, ce cours vise à introduire les étudiant(e)s à la rédaction des jugements internationaux, aux pratiques discursives qui les sous-tendent, à la procédure pénale et aux mécanismes d'enquête.

3- Apporter de solides bases en droit pénal français: ce séminaire approchera également le droit pénal français, par l'étude des procès "rwandais" devant la Cour d'assises de Paris statuant au titre de la compétence universelle. L'électif est ainsi une opportunité de familiariser les étudiant(e)s à la rédaction des jugements nationaux et aux principes fondamentaux du droit pénal français (droits de la Défense, présentation des parties, déroulement du procès,...). Tout ceci permettra d'envisager les différents rapports au droit, les différentes pratiques, et débuter une réflexion comparée entre droit international et droit français.

En somme, il s'agit de fournir aux étudiant(e)s les outils juridiques et historiques nécessaires pour argumenter et discuter sereinement autour de ce crime, qui occupe aujourd'hui une place importante dans le débat public. En familiarisant les étudiant(e)s aux principes fondamentaux du raisonnement juridique - remis en contexte et compris à l'aune des apports des SHS – cet électif mêle rigueur scientifique/juridique et réflexion critique. Cette approche pluridisciplinaire du génocide apparaît comme essentielle pour comprendre l'utilisation de cette qualification et les enjeux qu'elle soulève.

Cet enseignement repose sur une extrême rigueur dans les méthodes utilisées et les outils mobilisés, tout en assurant un espace de paroles sain dans lequel les points de vue sont argumentés et respectés. Chaque séance débutera par la présentation des exposés des étudiant(e)s, suivie d'une discussion à partir des lectures proposées et d'une reprise.
Jules COSQUERIC
Atelier
français
ORGANISATION DES SÉANCES

Séance 1 : Introduction générale

● Description des objectifs du cours
● Rappel du cadre académique
● Description des modalités de validation et attribution des exposés

Bibliographie : Pour la première séance, les étudiants et étudiantes auront lu l'introduction du livre de Bernard Bruneteau (Un siècle de génocides: Des Hereros au Darfour (1904-2004). Paris : Armand Colin, 2016.)

Partie I : Historiciser le crime de génocide

Séance 2 : Historiciser le crime de génocide (I) : Raphaël Lemkin et la Shoah

Description : Cette séance vise à contextualiser le concept de génocide, néologisme qui apparaît pour la première fois sous la plume du juriste polonais Raphaël Lemkin en 1944. Par une lecture attentive de la définition donnée de ce concept – destiné à qualifier un « crime sans nom » (W. Churchill) – nous explorerons les liens entretenus avec la Shoah et son caractère apparemment inédit. Cette séance sera l'occasion de reprendre le contexte historique de la Shoah et d'évoquer la première historiographie dédiée, des travaux d'Hannah Arendt (Les Origines du Totalitarisme ; Eichmann à Jérusalem) à ceux de Raul Hilberg (La Destruction des Juifs d'Europe).
Bibliographie
● Chapitre 9, Lemkin, Raphaël. Axis Rule in Occupied Europe, Laws of Occupation, Analysis of Government, Proposals for Redress, by Raphaël Lemkin. Washington DC: Carnegie Endowment for International Peace, 1944.
● Chapitre intitulé « Lemkin », Sands, Philippe. Retour à Lemberg. Paris: Albin Michel, 2017.
Pour aller plus loin :
● Akhavan, Payam. Reducing Genocide to Law: Definition, Meaning, and the Ultimate Crime. Cambridge: Cambridge University Press, 2012, p. 88-101.
● Chapitre 1, Schabas, William. Genocide in International Law: The Crime of Crimes. 2. ed. Cambridge: Cambridge Univ. Press, 2009.
Pas d'exposé pour cette séance.

Séance 3 : Historiciser le crime de génocide (II) : un objet du droit international d'après-guerre ?
Description : Dans cette séance, nous verrons les processus diplomatiques et juridiques aboutissant à la Convention pour la Prévention et la Répression du crime de génocide, du 9 décembre 1948. Il s'agira pour les étudiants et étudiantes de comprendre ce moment d'après-guerre, propre à cette codification face au constat croisé de l'horreur de la Shoah et à celui de l'insuffisance des catégories juridiques pour y répondre. Cette séance sera également l'occasion de positionner le crime de génocide dans le champ plus général des crimes internationaux, comme le crime contre l'humanité, utilisé au Tribunal Militaire International de Nuremberg. En bref, il s'agira de saisir le contexte spécifique aboutissant à la codification du crime de génocide, désormais défini en droit et considéré comme norme à laquelle on ne peut déroger.
Exposés :
● Génocide et crimes contre l'humanité, des concepts opposés (1945-1951) ?
● L'utilisation du concept de génocide au procès de Nuremberg
Bibliographie :
● “Confronting the Holocaust through legal ritual”, pp. 102-120, Akhavan, Payam. Reducing Genocide to Law: Definition, Meaning, and the Ultimate Crime. Cambridge: Cambridge University Press, 2012.
● Convention pour la Prévention et la Répression du crime de génocide du 9 décembre 1948
● Cour Internationale de Justice (CIJ), Réserves à la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de génocide, Avis consultatif du 28 mai 1951 (paragraphes choisis)
Pour aller plus loin ou références utiles pour les exposés :
● Chapitre 2, Schabas, William. Genocide in International Law: The Crime of Crimes. 2. ed. Cambridge: Cambridge Univ. Press, 2009.
● Mouralis, Guillaume. « Le procès de Nuremberg : retour sur soixante-dix ans de recherche »: Critique internationale 4, no 73 (2016): 159-75.
● Mouralis, Guillaume. Le moment Nuremberg: le procès international, les lawyers et la question raciale. Paris: Presses de SciencesPo, 2019.

Séance 4 : Historiciser le crime de génocide (III) : au-delà du crime, perspectives historiques et sociologiques
Description : Dans cette séance, nous verrons que le concept de génocide n'est pas resté l'apanage des juristes, et qu'il a largement été investi par les sciences sociales. Il s'agira de dégager les principaux courants historiographiques, qu'ils se focalisent sur un contexte particulier ou au contraire qu'ils étudient de manière comparée et transversale différents événements et crimes de masse. Nous verrons que la recherche en sciences sociales sur le génocide s'est en partie construite sur une critique du concept, un effort de redéfinition voire de rejet et de dépassement de celui-ci (par exemple, Sémelin, Jacques. Purifier et détruire: usages politiques des massacres et génocides. Paris: Éd. du Seuil, 2005).
Exposés :
● Comparer les génocides pour les comprendre : quels sont les points communs dégagés par les recherches en sciences sociales ?
● Les principales critiques de la définition juridique du génocide par les sciences sociales
Bibliographie :
● Stone, Dan. « The Historiography of Genocide: Beyond ‘Uniqueness' and Ethnic Competition ». Rethinking History 8, no 1 (2004): 127-42.
Pour aller plus loin ou références utiles pour les exposés :
● Chapitres 3 & 4, Shaw, Martin. What is Genocide ? 2nde éd. Cambridge: Cambridge University Press, 2015.
● Sémelin, Jacques. « Du massacre au processus génocidaire ». Revue internationale des sciences sociales 174, no 4 (2002): 483-92.

Partie II : Qualifier le génocide : le cas de la Cour Internationale de Justice (CIJ)

Cette partie se focalisera sur la Cour Internationale de Justice (CIJ) et les procédures ouvertes devant elle. Il s'agira de comprendre les différents usages de la Convention pour la Prévention et la Répression du crime de génocide devant la CIJ, ainsi que les débats juridiques et historiques qu'ils soulèvent.

Séance 5 : Le cas de la CIJ (I) : à la recherche d'une responsabilité étatique
Description : Durant cette séance, les étudiants et étudiantes se familiariseront avec le fonctionnement de la CIJ, organe de l'ONU saisi par un Etat dans le cadre d'un litige avec un autre Etat. Prenant la décision de 2007 dans l'affaire opposant la Serbie à la Bosnie comme cas d'étude, nous verrons comment la Convention est mobilisée pour rechercher une responsabilité étatique pour génocide, et pourquoi celle-ci a en partie été écartée dans le cas de la Serbie. Nous serons plus généralement attentifs au raisonnement de la Cour, qui sera contextualisé, et aux arguments avancés par les différentes parties.
Exposés :
● Un génocide en ex-Yougoslavie selon la CIJ ? Discussion de l'arrêt de 2007 et principales critiques
● Le contrôle des tueurs et la responsabilité étatique selon la CIJ
Bibliographie :
● CIJ, Affaire relative à l'application de la Convention pour la Prévention et la Répression du crime de génocide, Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro, Arrêt du 26 février 2007 (paragraphes choisis)
● Bannelier-Christakis, Karine, et Christakis. « « Qu'est-ce qu'un génocide et quand un Etat est-il responsable pour ce crime ?: Analyse de l'arrêt rendu par la CIJ dans l'affaire Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro (26 février 2007) » ». Revue belge de droit international, no 1 (2007): 257-99.
Pour aller plus loin ou références utiles pour les exposés :
● Teani, Anne-Lise. « L'arrêt de la Cour internationale de justice du 26 février 2007 ». Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, no 4 (2007): 765-78.
● TPIY, Chambre de première instance, n°IT-98-33-T, 2 août 2001, Le Procureur c. Radislav Krstic (paragraphes choisis)

Séance 6 : Le cas de la CIJ (II) : les mobilisations récentes de la Convention de 1948 et les ordonnances rendues par la CIJ
Séance co-animée par le Pr. Jean d'Aspremont (École de Droit)
Description : Dans cette séance, nous nous pencherons sur les procédures actuellement ouvertes devant la CIJ sur le fondement de la Convention pour la Prévention et la Répression du crime de génocide. Nous verrons que la prohibition du crime de génocide permet à un Etat-tiers de saisir la CIJ sur le fondement de la Convention. Par ailleurs, nous nous intéresserons aux dernières ordonnances rendues par la CIJ, afin de les distinguer d'un raisonnement au fond. Nous commenterons les différents types de mesures conservatoires édictées par la Cour et leur portée.
Exposés :
● Les ordonnance de la CIJ en matière de génocide allégué : principes et limites
● La compétence des Etats-tiers à invoquer la Convention pour la Prévention et la Répression du crime de génocide devant la CIJ
Bibliographie :
● CIJ, Application de la Convention pour la Prévention et la Répression du crime de génocide, Gambie c. Myanmar, Ordonnance portant sur la demande en indication de mesures conservatoires du 23 janvier 2020 (paragraphes choisis)
● CIJ, Application de la Convention pour la Prévention et la Répression du crime de génocide, Afrique du Sud c. Israël, Ordonnance portant sur la demande en indication de mesures conservatoires du 26 janvier 2024 (paragraphes choisis)
Pour aller plus loin ou références utiles pour les exposés :
● Bonjour, Marine. « L'ordonnance de la CIJ du 26 janvier 2024, Afrique du Sud c. Israël : une décision façonnée par l'opportunité ». Civitas Europa 52, no 1 (2024): 147-61.
● Becker, Michael. « The Plight of the Rohingya: Genocide Allegations and Provisional Measures in The Gambia v Myanmar at the International Court of Justice ». Melbourne Journal of International Law 21, no 2 (2020): 428-49.
● Fernández Arribas, Gloria. « The ICJ Order on Provisional Measures of January 2024 in South Africa v. Israel on Genocide Case: An Expected but Disappointing Decision ». Paix et Securite Internationales Journal of International Law and International Relations, no 12 (2024).
● Maurel, Raphaël. « L'affaire Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice: entre instrumentalisation et humanisation du droit international ». La Semaine Juridique - Edition générale, no 6 (2024): 269-73.

Partie III : Réprimer le génocide : le cas du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR)
Dans cette séquence, nous nous concentrerons sur la répression criminelle internationale du génocide des Tutsi rwandais par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). Comme pour la séquence précédente, il s'agira pour les étudiants et étudiantes de se plonger dans le raisonnement du Tribunal, d'en analyser les choix au regard du contexte, des arguments présentés devant lui et de l'état du droit. Première cour internationale à appliquer, en matière criminelle, la Convention de 1948, nous verrons comment celle-ci est appliquée et interprétée à l'aune du contexte du génocide des Tutsi rwandais, dont nous saisirons à l'occasion les principales particularités.

Séance 7 : Le cas du TPIR (I) : à la recherche d'une responsabilité criminelle individuelle
Description : Cette séance visera à introduire le TPIR, sa création par résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU ainsi que le contexte dans lequel il s'inscrit. Se focalisant sur la responsabilité criminelle individuelle, le TPIR poursuit les principales autorités militaires, politiques et administratives ayant participé au génocide en 1994. Nous interrogerons ce choix, et les effets produits, alors même que le génocide a également été mené par une part considérable de la population Hutu rwandaise à l'encontre de leurs proches et voisins Tutsi rwandais. Plus généralement, nous poserons la question de la difficulté à juger un génocide et à dégager des responsabilités individuelles.
Exposés :
● Justice criminelle, justice transitionnelle : les différentes expériences de la justice internationale et rwandaise après le génocide des Tutsi rwandais
● Contexte de la mise en place du TPIR et sa compétence
Bibliographie :
● Dumas, Hélène. « Rwanda : comment juger un génocide ? » Politique étrangère 4 (2015): 39-50.
● Rubrique « La justice transitionnelle », Chapitre VI, Piton, Florent. Le génocide des Tutsi du Rwanda. Paris: La Découverte, 2018.
● Conseil de Sécurité des Nations Unies, 8 novembre 1994, S/RES/955, Résolution créant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda et attachant son Statut. (pages sélectionnées)
Pour aller plus loin ou références utiles pour les exposés :
● Paradelle, Muriel, et Hélène Dumont. « L'emprunt à la culture, un atout dans le jugement du crime de génocide ?: Étude de cas à partir des juridictions traditionnelles gacaca1 saisies du génocide des Tutsis2 du Rwanda ». Criminologie 39, no 2 (15 janvier 2007): 97-135.
● Chapitre 1 « Un projet de justice internationale », Rovetta, Ornella. « Un génocide au tribunal: le Rwanda et la justice internationale ». Contemporaines. Université Libre de Bruxelles, 2019.

Séance 8 : Le cas du TPIR (II) : établir l'existence du génocide des Tutsi rwandais
Description : Dans la continuité de la séance précédente, nous nous pencherons plus précisément sur certains jugements rendus par le TPIR et la manière dont le contexte génocidaire est dégagé. Dans notre effort de contextualiser le droit et ses acteurs, nous verrons comment le TPIR a largement reposé sur les travaux d'historiens pour comprendre le contexte du génocide des Tutsi rwandais et saisir ses principaux mécanismes. Etabli comme un « fait de notoriété public » par le TPIR, le génocide des Tutsi rwandais illustre la portée du droit à agencer et dire le réel, à donner sens au passé.
Exposés :
● Le rôle des témoins experts au TPIR : le cas d'Alison Des Forges
● La représentation du génocide des Tutsi rwandais au TPIR : aspects historiques et contextuels
Bibliographie :
● Rovetta, Ornella. « Justice et narration historique. Entre expertise et expérience : témoignages d'experts au TPIR ». In Rwanda, 1994-2014 – Histoire, mémoires et récits, édité par Catherine Coquio, François Robinet, Nathan Réra, Virginie Brinker, Dauge-Roth, et Eric Hoppenot. Paris: Les Presses du Réel, 2017.
● TPIR, Chambre de première instance, n°ICTR-96-4-T, 2 septembre 1998, Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu (paragraphes choisis)
● TPIR, Chambre d'Appel, 16 juin 2006, n°ICTR-98-44-AR73(C), Décision faisant suite à l'appel interlocutoire interjeté par le Procureur de la décision relative au constat judiciaire, Le Procureur c. Karemera et consorts. (paragraphes choisis)
Pour aller plus loin ou références utiles pour les exposés :
● Chapitre 4 « Juger au nom de la communauté internationale », Rovetta, Ornella. « Un génocide au tribunal: le Rwanda et la justice internationale ». Contemporaines. Université Libre de Bruxelles, 2019.


Partie IV : Réprimer le génocide : le cas de la Cour d'assises de Paris
Cette séquence vise à explorer la répression du crime de génocide en droit pénal français. Le génocide des Tutsi rwandais a ainsi donné lieu à 8 procès – premières instances et appels confondus – dans le cadre de la compétence universelle exercée par la Cour d'assises de Paris, seule juridiction compétente. Intervenant plusieurs décennies après le génocide, et après la principale période d'activité du TPIR, la pratique française se révèle être un témoin puissant de l'actualité du concept de génocide en droit criminel.

Séance 9 : Le cas de la Cour d'assises de Paris (I) : la compétence universelle française et la répression du génocide des Tutsi rwandais
Description : Cette séance s'attachera à donner les principaux outils d'analyse pour comprendre le mécanisme de la compétence universelle, tel qu'il est pratiqué en France. Il s'agira également de dégager les enjeux d'une telle entreprise judiciaire, traversée par une altérité et une distance multiples : temporelle, culturelle, géographique et historique. Enfin, il faudra poser le cadre juridique français en matière de génocide, la définition française faisant du génocide un type de crime contre l'humanité, requérant un « plan concerté » visant à la destruction du groupe visé. Nous interrogerons ces différences à l'aune de la pratique, et dans la rédaction des jugements par le juge français.
Exposés :
● La compétence universelle française concernant le génocide des Tutsi rwandais : les principaux enjeux
● Les différences et similitudes dans les raisonnements juridiques au TPIR et en France : l'exemple de l'affaire Simbikangwa
Bibliographie :
● Lefranc, Sandrine. « Des « procès rwandais » à Paris. Échos locaux d'une justice globale. » Droit et société 2, no 102 (2019): 299-318.
● Code pénal : article 211-1
● Code de procédure pénale : article 489 et suivants
Pour aller plus loin ou références utiles pour les exposés :
● Cour d'assises de Paris, 1ère instance, 14 mars 2014, Pascal Senyamuhara Safari alias Pascal Simbikangwa.
● Brunet-Lefèvre, Timothée. « Les bourgmestres de Kabarondo devant la Cour d'assises de Paris : la justice française face au génocide des Tutsi au Rwanda: » Politique africaine n° 166, no 2 (2022): 127-46.

Séance 10 : Le cas de la Cour d'assises de Paris (II) : le cas du procès d'Eugène Rwamucyo
Description : Dans cette séance, les étudiants et étudiantes se pencheront sur le dernier jugement de première instance rendu par la Cour d'assises de Paris concernant le génocide des Tutsi rwandais. Par une lecture critique et précise de la feuille de motivation et de l'ordonnance de mise en accusation, nous dégagerons les principales qualifications et arguments à l'appui du raisonnement juridique. Nous essaierons également d'avoir, pour cette séance, la présence d'un historien et de parties civiles ayant suivi le procès de bout en bout. Ceci sera l'occasion d'un échange précieux, permettant de mettre des visages, de l'humain dans une procédure à première vue distante et impersonnelle.
Exposé (un seul exceptionnellement à cette séance) :
● Un médecin devant la Cour d'assises de Paris : les faits reprochés et les qualifications retenues
Bibliographie :
● Brunet-Lefèvre, Timothée. « Eugène Rwamucyo : un intellectuel génocidaire devant la Cour d'assises », Esprit (janvier 2025), en ligne : https://esprit.presse.fr/actualites/timothee-brunet-lefevre/eugene-rwamucyo-un-intellectuel-genocidaire-devant-la-cour-d-assises-45737
● Cour d'assises de Paris, 1ère instance, 30 octobre 2024, Eugène Rwamucyo, feuille de motivation
● Ordonnance de non-lieu partiel et de mise en accusation devant la Cour d'assises (Pôle crime contre l'humanité, crimes et délits de guerre – Cour d'Appel de Paris) rendue à l'encontre de Monsieur Eugène RWAMUCYO, 14 octobre 2020 (pages choisies)
Pour aller plus loin ou références utiles pour les exposés :
● Cour d'assises de Paris, 1ère instance, 20 décembre 2023, Sosthène Munyemana, feuille de motivation

Partie V : Défendre et nier le génocide
Dans cette dernière séquence, les étudiants et étudiantes seront invité(e)s à réfléchir aux mécanismes, rhétoriques et discours utilisés par les génocidaires pour dissimuler (au moment des faits) ou nier (a posteriori) le génocide, et ce malgré des condamnations par les tribunaux, les travaux d'historiens et les preuves rassemblées par les victimes ou les ONGs. Nous verrons comment ces contre-récits s'ancrent et se diffusent en-dehors des institutions diplomatiques ou judiciaires. Surtout, il faudra se pencher sur la manière dont les propos négationnistes sont réprimés et condamnés, en prenant l'exemple français en droit de la presse (application de la loi Gayssot).

Séance 11 : Rhétorique guerrière, rhétorique génocidaire : la guerre comme justification du génocide ?
Description : Cette séance cherchera à montrer comment, en s'appuyant sur la recherche en sciences sociales, les contextes guerriers et génocidaires sont souvent entremêlés. Les logiques guerrières – et notamment de la guerre totale – sont un terrain favorable au glissement sémantique et idéologique propice à un processus génocidaire. Pour autant, cet entremêlement en fait ne change rien à la responsabilité pénale pour génocide. Nous verrons alors comment, au cours des procès, la rhétorique guerrière est mobilisée par les accusés et leur Défense pour invisibiliser le génocide, et diluer leur responsabilité.
Exposé (un seul exceptionnellement pour cette séance) :
● Entretenir la confusion entre guerre et génocide : les stratégies de la Défense pour invisibiliser le génocide au TPIR et devant la Cour d'assises de Paris.
Bibliographie :
● Ingrao, Christian, « Violence de guerre, violence génocide : les Einsatzgruppen » dans Audoin-Rouzeau, Stéphane, et Henriette Asséo, éd. La violence de guerre 1914 - 1945: approches comparées des deux conflits mondiaux. Bruxelles: Éditions Complexe, 2002.
● TPIR, Chambre de première instance, 18 décembre 2008, n°ICTR-98-41-T, Le Procureur c. Théoneste Bagosora et autres (paragraphes choisis)
● Cour d'assises de Paris, 1ère instance, 30 octobre 2024, Eugène Rwamucyo, feuille de motivation (déjà lu et étudié la séance précédente)
Pour aller plus loin ou références utiles pour les exposés :
● Grangé, Ninon. « Les génocides et l'état de guerre ». Astérion, no 6 (3 avril 2009).
● Winter, Jay, et Dalit Lahav. « Sous le couvert d'une guerre : le génocide dans le contexte d'une guerre totale: » Revue d'Histoire de la Shoah 189, no 2 (2008): 277-95.

Séance 12 : Reconnaître les stratégies du négationnisme : le cas du négationnisme du génocide des Tutsi rwandais
Description : Dans cette ultime séance, nous nous pencherons sur le négationnisme, approché comme continuité de la rhétorique génocidaire et donc poursuite du génocide lui-même. Prenant comme cadre le génocide des Tutsi rwandais, nous verrons quelles sont les formes discursives de ce négationnisme et les objectifs politiques et historiques qu'il poursuit. Il s'agira surtout de voir comment en France sont poursuivis et réprimés les propos négationnistes, en prenant le cas du jugement rendu en décembre 2024 dans l'affaire opposant des parties civiles rwandaises au polémiste Charles Onana.
Bibliographie :
● Dumas, Hélène. « L'histoire des vaincus: Négationnisme du génocide des Tutsi au Rwanda ». Revue d'Histoire de la Shoah N° 190, no 1 (3 février 2009): 299-347.
● Jugement dans le procès de Charles Onana rendu le 9 décembre 2024, 17ème Chambre correctionnelle de Paris
Pour aller plus loin ou références utiles pour les exposés :
● Hochmann, Thomas. « Combattre le négationnisme. L'incrimination en France de la négation du génocide des Tutsi ». Le Genre humain 62, no 1 (2023): 105-11.
● Rubrique « Faire face au négationnisme », Chapitre VI, Piton, Florent. Le génocide des Tutsi du Rwanda. Paris: La Découverte, 2018.
● Chapitre 1, « Un Eichmann de papier », Vidal-Naquet, Pierre. Les assassins de la mémoire: « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme. Paris: La Découverte, 2005.
Automne 2025-2026
4 notes réparties ainsi :

- Un exposé individuel de 15 min maximum, rendu par écrit (Times New Roman 12, interligne 1.5, 5 pages avec bibliographie maximum) puis présenté à l'oral. Au cas où deux étudiant(e)s seraient intéressé(e)s par le même sujet, l'un(e) présentera et l'autre servira de discutant, en exposant ses contre-arguments potentiels, ses choix différents ou son point de vue sur le sujet. 40% de la note finale

- Un rendu par groupe de 2 ou 3, de 10 pages maximum, bibliographie comprise (Times New Roman 12, interligne 1.5) à rendre à la dernière séance, portant sur l'un des jugements vus ensemble en classe (problématique et angle de réflexion à définir par les étudiant(e)s). 40% de la note finale

- Un quizz succinct (10-15 minutes), intervenant au début de la séance 4 et de la séance 10 afin de vérifier les connaissances fondamentales des étudiant(e)s. 10% de la note finale

- Une note de participation orale. 10% de la note finale
Pour la première séance, les étudiants et étudiantes auront lu l'introduction du livre de Bernard Bruneteau (Un siècle de génocides: Des Hereros au Darfour (1904-2004). Paris : Armand Colin, 2016.)