CAFF 25F46 - QUEL ETAT sous QUEL REGIME? repenser les formules politiques d'Afrique du Nord

L'autoritarisme, trop vite enterré par le paradigme en vogue de la « transitologie » dans le « whishfull thinking » qui a accompagné la chute des « présidents à vie » Ben Ali, Moubarak et Kadhafi, semble plus présent que jamais. Cette énigme ne procède guère de « l'exceptionnalisme arabe », la prolifération, par-delà les « aires culturelles », des régimes non démocratiques suffit, par soi-seule, à prendre congé de ce schème culturaliste. La « loi » de la « malédiction des ressources naturelles » n'éclaire pas davantage cette intrigue, l'économisme, l'antihistoricisme et les nombreux contre-exemples qui grèvent ce théorème suffissent à le révoquer en doute. Pour repenser à nouveaux frais l'autoritarisme politique dans la région, ce cours entend procéder à trois opérations épistémiques. La première consiste à dérouler une critique radicale des schèmes explicatifs dominants. Alors que les spécialistes de l'Etat tendent à négliger la question du régime et inversement, la deuxième opération prend au sérieux et théorise l'interpénétration de l'Etat et du régime. Tandis que les tenants aussi bien de l'école néo-classique hégémonique que du marxisme vulgaire dépolitisent l'économie, la troisième opération épistémique ambitionne de repolitiser l'économie. Pour saisir ces imbrications, le cours définit la « formule politique » comme étant ce « complexe institutionnel qui fait se lier Etat et régime, économie politique et ‘polity' ». Un choix méthodologique s'avère indispensable pour rompre avec le « provincialisme historique » (Charles Wright Mills) de la « proto-science » de la « transitologie », l'anti-historicisme de l'économisme et l'essentialisme inhérent au culturalisme : celui de la sociologie historique comparative du politique. Soucieuse de restituer les temporalités multiples et les conflits qui travaillent les complexes institutionnels, la sociologie historique du politique adoptée dans ce séminaire « déracine la doxa » (Pierre Bourdieu) pour repenser le processus de formation et de transformation des complexes institutionnels autoritaires. Cependant, plutôt que d'appréhender les institutions comme des ‘legs statiques' gravés dans le marbre, cet enseignement saisit, à rebours de la « path dependence », le « lien dialectique entre la structure et l'événement » (William H. Sewell Jr) autant que les changements graduels lents et néanmoins amples. En rupture radicale avec le néo-orientalisme, le cours renoue avec la tradition du dialogue entre la théorie sociale et l'étude de la région. Aussi, aux problèmes de connaissance qu'il soulève à chaque séance, propose-t-il un récit historique tout en étant théoriquement structuré. L'autoritarisme était-il vraiment la seule alternative à la colonisation ? La guerre a-t-elle fait l'Etat ? La formule politique postindépendance procédait-t-elle vraiment d'une révolution ? La durabilité autoritaire ne reposait-elle pas sur la contre-révolution ? Comment les élites dirigeantes ont-elles concilié « capitalisme d'Etat » et redistribution clientélaire? Pourquoi la néo-libéralisation s'est-elle accomplie tantôt par « révolution passive », tantôt par « guerre de mouvement » (Antonio Gramsci) ? La restructuration néolibérale consacre-t-elle le repli du pouvoir d'Etat ? Les changements institutionnels subséquents aux soulèvements populaires de 2010-2011 relèvent-ils d'une « transition » ou d'une « guerre de position », d'un changement de régime ou d'un changement dans le régime ? Quelles transformations institutionnelles a impulsé le processus de concentration du pouvoir et du capital dans les complexes institutionnels autoritaires ? Les formules politiques d'Afrique du nord se retrouvent-elles, après plusieurs décennies de néo-libéralisation autoritaire, à nouveau travaillées par une « crise organique » (Antonio Gramsci) ? Quel « monstre » institutionnel a enfanté l'hybridation institutionnelle de l'autoritarisme et du néolibéralisme dans la région ? OBJECTIFS PEDAGOGIQUES : - Sortir l'étude des polités de l'Afrique du Nord de l'orientalisme et la réinscrire dans les champs de la sociologie politique et de la sociologie historique comparatives. - Rompre avec le “présentisme” en portant au jour le processus de formation des formules politiques. - Critique radicale de la doxa. - Esprit critique.
Mohammed HACHEMAOUI
Séminaire
français
Printemps 2024-2025
- 40% pour l'examen de mi-semestre (maximum 30 000 caractères espace non compris, police 12, interligne simple) dont le sujet sera communiqué à l'issue de la 6e séance. A rendre 72 heures après. - 40% pour l'examen final (maximum 30 000 caractères espace non compris, police 12, interligne simple) dont le sujet sera posté sur le Moodle du cours à la fin de la dernière séance du séminaire. A rendre 72 heures après sur le Moodle. - 20% pour la participation ( : présentation des textes dont la lecture est requise pour chaque séance, capacité à poser des questions pertinentes, à répondre aux questions, etc.)
Zeinab Abul-Magd, Militarizing the Nation, New York, Columbia University Press, 2017.
Mohammed Hachemaoui, « Algeria : From One Revolution to the Other ? The Metamorphoses of the State-Regime Complex », Sociétés Politiques Comparées, 51, mai-août 2020, p. 1-69.
Dirk Vandewalle, A History of Modern Libya, Cambridge, Cambridge University Press, Second Edition, 2012.