CDRO 26F02 - Médias et les libertés. Rappels historiques et perspectives contemporaines
Comme toute activité humaine, la presse écrite est soumise à un certain nombre de règles qui constituent son droit. La nature particulière de cette activité et l'importance qui lui est accordée de nos jours justifient que ce droit de la presse constitue un corps de règles spécifique et autonome. Il n'est à cet égard qu'un élément d'un ensemble plus général qu'est le droit de l'information.
Le droit de la presse apparaît, dans notre pays, comme le moyen de concrétisation et de mise en œuvre du principe de liberté d'expression tel qu'énoncé à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 .
Dans le contexte politique, économique, social, culturel et technique de ce début de XXIe siècle, le principe de liberté ne peut pas être interprété et appliqué de la même manière qu'il y a deux cents ans. A la référence au principe de liberté d'expression est désormais ajoutée celle qui peut être faite à la notion de droit à l'information par laquelle les préoccupations et intérêts du public sont davantage pris en considération. Ces principes trouvent de nos jours leur expression et leur mise en forme dans les divers thèmes présentés comme constitutifs du droit de la presse : le statut des entreprises et interventions administratives, le régime de responsabilité ou statut du contenu, le statut professionnel, le régime de propriété littéraire et artistique ou droit d'auteur. Ces différents éléments constitutifs du droit positif de la presse sont le résultat d'une lente évolution depuis sa naissance au XVIIe siècle et surtout son développement au XIXe, chaque période ajoutant sa pierre à l'édifice. Il est certain qu'avant la Troisième République, le droit de la presse n'existe pas en tant que tel, mais se compose d'une juxtaposition de multiples textes de circonstance élaborés au fur et à mesure des besoins de l'Etat et des pressions de l'opinion. On peut tout de même y voir l'ébauche d'une législation spécifique.
En fait, l'histoire de la presse en France correspond très largement à son histoire constitutionnelle. Le droit de la presse, si précieux dans une démocratie, n'a ainsi vraiment commencé à se stabiliser qu'à partir du moment où la République s'est trouvée définitivement installée. C'est dans ce contexte de retour à un régime libéral qu'est adopté un texte véritablement fondateur, la loi du 29 juillet 1881.
Il faut dire que prenant conscience d'avoir ouvert la boîte de pandore en proclamant la liberté d'expression, les gouvernants successifs (depuis la Révolution) se sont efforcés de limiter les conséquences de cette liberté en encadrant plus ou moins la presse selon les régimes. Ainsi, du Directoire aux premières années de la Troisième République, celle-ci ne connaît que de courts moments d'indépendance au milieu de très longues périodes où elle est, soit rejetée comme dangereuse pour le régime (Consulat et Empire), soit très contrôlée par la pratique de l'autorisation préalable, de la censure préventive, du cautionnement ou du timbre (Restauration, Monarchie de Juillet, Second Empire). A partir de 1881, la liberté de la presse est enfin reconnue, non seulement par la loi du 29 juillet, mais également par d'autres textes nationaux comme l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur les agences de presse, la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ou la loi du 1er août 1986 sur le régime juridique de la presse et par des textes internationaux comme l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif à la liberté d'expression, de communiquer et de s'informer.
Le classement mondial de la presse selon son degré d'indépendance, ainsi que le rapport annuel de Reporters sans frontières sur la liberté dont elle jouit dans les différents Etats montrent, aujourd'hui comme hier, l'importance et la fragilité de cette liberté face aux gouvernements et aux financiers. En 2006, la France apparaît au 11e rang des pays les mieux classés, la Finlande étant le 1er (sur 139). Les cinq pays les plus liberticides en matière de liberté de la presse sont la Corée du Nord, la Chine, la Birmanie, le Turkménistan et le Bouthan. Dans de nombreux pays, les journalistes paient de leur vie une trop grande liberté d'expression face aux pouvoirs. Il n'est pas rare de voir des journalistes assassinés comme Anna Politkovskaïa à Moscou. Ses prises de position sur la question Tchétchène semblent être à l'origine de cet acte. D'autres journalistes sont tués pour faire taire leur liberté d'informer : 32 en 2000, 31 en 2001, 41 en 2002 et 42 en 2003 ; plus de 100 en 2006. De nombreux professionnels sont interpellés, emprisonnés régulièrement dans le monde. Les atteintes à la liberté de la presse sont fréquentes.
Elles le sont, y compris dans des pays occidentaux comme la France. On pourrait considérer, en ce début de XXIe siècle, que la censure est révolue, appartenant à une époque ancienne. Pourtant, il est illusoire de croire que la vigilance peut être désarmée dans les démocraties. En effet, le débat soulevé dernièrement par la publication des caricatures de Mahomet au Danemark (2005) a éveillé de nouvelles craintes comme les tentatives d'un certain nombre d'associations de faire interdire par les juges des placards, des films et des publications diverses contraires à leurs convictions. Reste que dans la durée et sous le regard de l'histoire, le censeur a rarement raison. L'intelligence, rendue plus forte sous l'effet de la contrainte, s'organise et invente des moyens de résister qui le ridiculisent. Plus largement, l'acharnement du censeur à faire taire, révèle son incapacité à convaincre ; l'histoire d'hier et d'aujourd'hui l'a tout à fait mis en exergue.
L'histoire et l'analyse des faits sociaux ne peut qu'être un moyen efficace d'appréhender une matière originale et autonome. Au travers de 12 chapitres répartis en 2 séquences, cet enseignement d'ouverture se propose de :
- étudier la naissance de la presse au XVIIe siècle et son développement depuis lors
- comprendre ses relations avec l'Etat et son indépendance à l'égard du pouvoir hier et aujourd'hui
- réfléchir à son autonomie vis-à-vis des financiers tout particulièrement en ce début de XXIe siècle
- cerner les évolutions législatives rencontrées tout au long de l'histoire, en particulier aux XIXe - XXIe siècles
- dégager des pistes de réflexions sur la liberté d'expression, la liberté d'opinion et la démocratie en France et dans le monde
- apprécier les enjeux passés et contemporains au regard de certains extrémismes
- évoquer à divers reprises les autres médias
Adrien LAUBA
Séminaire
français
Un exposé dans le semestre avec remise d'un devoir écrit
PRE-REQUIS :
Intérêt pour l'actualité
Connaissance des médias (notamment de la presse écrite)
Printemps 2024-2025
3 notes (moyenne des 3) : 1 oral / 1 écrit / 1 implication
Pas de coefficient
Revue de presse (15mn)
CM (1h15)
Exposés + Reprise + Questions (30mn)
- ALBERT (P), Histoire de la presse, Paris, PUF, Que sais-je ?, n°368