KHID 2255 - Journalisme d'histoire

Lors des premières séances de ce cours, nous tenterons donc de définir ce qu'est « le journalisme d'histoire ». Se différencie-t-il de l'histoire immédiate telle qu'elle fut définie par Jean Lacouture dans les années 70 ? Est-il nourri de l'histoire du temps présent ? Le journalisme qui le pratique doit mesurer l'événement qui se présente à ses yeux à l'aune d'une durée plus longue que la dernière année écoulée, se documenter en recherchant des archives (livres, presse ancienne, archives audio ou télé) quitte à relativiser la nouveauté d'un phénomène. Il s'agit donc de ne pas se laisser berner par la communication (politique, éditoriale) et de répondre à une demande immédiate tout en jouant de l'épaisseur historique. Issu d'une formation universitaire, le journaliste d'histoire constitue un carnet d'adresse qui doit lui permettre d'élargir le cercle des spécialistes sur un pays ou une période. Il doit ainsi pouvoir à une demande de sa rédaction pour la composition d'un plateau ( télé, radio) ou la commande d'une tribune libre. Il maintient donc des contacts avec éditeurs et universités afin de prendre en compte la recherche en train de se faire et les débats disciplinaires qui pourraient émerger dans le débat public. Pour prendre des exemples, voir poindre dans les cercles savants les débats sur le « consentement » des soldats dans la Grande Guerre ou sur l'esclavage permet de ne pas être surpris quand les politiques et les grands médias mettent ces thèmes à l'agenda. Outre cette veille éditoriale, une bonne connaissance des fonds d'archives existants, ainsi qu'un maniement rapide et efficace ses outils de recherche sur Internet permettent parfois de choisir vite le bon invité. Dans les cours suivants, nous élargirons également notre propos en essayant de voir comment une institution, une entreprise, une femme ou un homme politique réagissent en fonction de leur histoire. Car l'histoire et ses représentations déterminent parfois les réactions des acteurs et déjouent les plans de communication. Il est parfois utile de connaître l'imaginaire historique des décideurs publics pour mieux comprendre leurs réactions aux événements : réagit-on de la même façon selon qu'on possède dans son panthéon personnel Napoléon ou Gandhi ? Pierre Mendès-France ou Louise Michel ? Clémenceau ou Jeanne d'Arc ? Les références à l'histoire peuvent servir à une communication particulière, visant un but politique précis. Mais manier les symboles du passé ou de la nation ( événements marquants, grands personnages, périodes historiques particulières) n'est jamais anodin. Un « journaliste d'histoire » a la possibilité, plus qu'un autre, de se mouvoir dans ce grand magasin des accessoires du passé pour mieux décrypter les intentions des femmes et des hommes politiques qui les utilisent.
Emmanuel LAURENTIN
Atelier
français
Aucun
Printemps 2024-2025
6 séances x 2 heures.