La sociologie des professions se développe tardivement en France, alors qu'elle apparaît dès les années 1930 dans les pays anglo-saxons. On trouve pourtant des premières réflexions sur le « fait professionnel » dans les travaux de Durkheim, qui voyait dans les professions une nouvelle forme d'organisation des sociétés modernes capitalistes, à mesure que s'affaiblissait la capacité de régulation sociale de la famille ou de la religion. Dans ces différents pays, les professions juridiques et médicales s'organisent très tôt en associations et obtiennent la reconnaissance de l'État, alors que la plupart des autres activités de travail n'ont pas le même statut ni les mêmes privilèges.
À travers l'analyse des principales théories sur les professions, et notamment des débats qui opposent les approches fonctionnalistes et interactionnistes, ce cours propose d'analyser le processus par lequel des groupes de pairs s'auto-organisent, cherchent à défendre leur autonomie et leur territoire et obtiennent la reconnaissance de l'État, des clients ou usagers, mais aussi des autres groupes professionnels avec lesquels ils sont amenés à se coordonner ou au contraire à lutter pour défendre leurs périmètres d'activités. Il discutera les attributs reconnus aux professions par les sociologues fonctionnalistes (responsabilité sociale, statut légal, savoirs spécialisés, normes et valeurs partagées, unité au sein de la profession...), les principaux concepts avancés par les sociologues interactionnistes qui viennent critiquer cette approche (licence, mandat, carrière, segment professionnel...) et par les « nouvelles » théories professionnelles émergeant à partir des années 1960-1970 (dominance professionnelle, juridictions professionnelles...). Cet enseignement explicitera les liens entre l'approche interactionniste des professions et la sociologie du travail, qui s'intéressent mutuellement aux pratiques, aux conditions de travail, à la division du travail et aux relations entre professionnels ou travailleurs, et qui se retrouvent notamment sur la méthode par enquêtes de terrain. Il opèrera ainsi des ponts avec le cours d'Introduction à la sociologie de première année et pourra servir de socle de connaissances pour aborder le cours de Sociologie du travail du second semestre.
En complément du cours théorique, cet enseignement reposera sur des lectures d'articles sociologiques portant sur des enquêtes empiriques sur les professions (notamment la profession médicale, qui a toujours particulièrement intéressé cette sous-discipline de la sociologie) et la réalisation d'un entretien afin d'appliquer la démarche sociologique vue en cours.
Anne MOYAL
Séminaire
français
Automne 2023-2024
Trois exercices, individuels et collectifs, permettront la validation du cours :
Évaluation écrite sur les théories et concept vus pendant le semestre : 30%
Fiche de lecture collective d'un article académique, écrite et présentée à l'oral en séance : 30%
Réalisation et analyse d'un entretien sociologique avec un professionnel : 30%
Participation : 10%.
Cet enseignement permettra aux étudiants de mieux appréhender la place prépondérante des professions et du travail dans l'organisation des sociétés modernes et pourra ainsi servir de socle théorique pour aborder d'autres disciplines ou sous-disciplines de la sociologie. À un niveau plus pragmatique, il fournira des connaissances qui pourront être utiles aux étudiants dans leurs futures situations professionnelles, leur permettant de saisir les dynamiques relationnelles entre professionnels, pouvoirs publics et usagers ou clients, les tensions autours des identités professionnelles, ainsi que les jeux de coopération ou de conflit qui sous-tendent la division du travail.
Pas de lecture obligatoire avant le début de l'enseignement.
Baszanger I., 1986, « Les maladies chroniques et leur ordre négocié », Revue française de sociologie, 27 (1), 3–27.
Bezès Philippe et al., « New Public Management et professions dans l'État. Au-delà des oppositions, quelles recompositions ? », Sociologie du travail, 53 (3), 2011, p. 293-348.
Castel P., 2005, « Le médecin, son patient et ses pairs. Une nouvelle approche de la relation thérapeutique », Revue française de sociologie, 46 (3), 443-467.
Hughes E., Chapoulie J.-M., 1996, Le regard sociologique : essais choisis, textes rassemblés et présentés par Jean-Michel Chapoulie, Editions de l'EHESS.
Arborio Anne-Marie, 1995, « Quand le "sale boulot" fait le métier : les aides-soignantes dans le monde professionnalisé de l'hôpital », Sciences sociales et santé, 13(3), p. 93-126.
Baszanger Isabelle, 1981, « Socialisation professionnelle et contrôle social. Le cas des étudiants en médecine futurs généralistes », Revue française de sociologie 22(2), p. 223-245.
Jaisson Marie, 2022, « La mort aurait-elle mauvais genre ? La structure des spécialités médicales à l'épreuve de la morphologie sociale », Actes de la recherche en sciences sociales 143(2), p. 44-52.
Moyal Anne, 2019, « Rationalisation des pratiques professionnelles en Maisons de Santé Pluriprofessionnelles : le paradoxe d'un exercice libéral sous contraintes », Revue française de science politique 69(5-6), p. 821-843.